Le sort des républicains espagnols.


Sources documentaires:
L’espor guidait leurs pas, Rémi Skoutelsky
Camp de Gurs, Claude Laharie
Les camps du Sud-Ouest de la France, collectif
La Maldonne espagnole, Léo Palacio
Le livre de la Déportation, Marcel Ruby
Le Front du Médoc, une Brigade au combat.

Introduction:

Après la chute de Barcelone, le 26 janvier 1939, le sort des républicains espagnols est pratiquement scellé. Alors, commence l’exode de la Catalogne. Le 27 janvier, le gouvernement français autorise le passage sélectif de la frontière aux réfugiés. L’opération se déroulera en trois phases:
1°) jusqu’au 30 janvier, 140.000 civils et soldats blessés entreront dans le département des Pyrénées Orientales.
2°) à partir du 30 janvier, les hommes valides seront systématiquement refoulés. Le 5 février, l’armée républicaine peut passer; le 9 et le 10, se sera le tour de l’arrière-garde formée par l’armée de l’Ebre et la 26ème division Durruti.
3°) l’opération de triage des réfugiés est alors mise en route. Les soldats sont désarmés. Et puis, c’est l’internement dans des camps placés sous le contrôle de l’armée française. Les femmes, les enfants et les vieillards passent par les camps de « triage » ou de « contrôle » du Boulou ou de Bourg-Madame avant d’être transférés vers l’intérieur de la France. Pour les autres, ce sont les camps de concentration de la Côte Vermeille, sur des plages clôturées et sans baraques. Ils sont 40.000 sur la plage d’Argelès, 70.000 à Barcarès et 30.000 à Saint-Cyprien, zone pourtant déclarée « zone sinistrée » ; de février à juillet 1939, près de 15.000 internés meurent dans les camps. Des camps que l’on veut mieux adaptés sont ensuite construits à Bram, dans l’Aude pour les vieillards, à Rivesaltes et Agde, pour les Catalans, à Septfonds pour les « ouvriers à reclasser dans l’économie nationale », à Gurs pour les Basques et les brigadistes et, enfin, au Vernet-d’Ariège.

Le complexe de Gurs est partagé administrativement en quatre camps :
     - le « camp basque », constitué de ressortissants espagnols du gouvernement autonome provisoire du Pays Basque,
     - les « aviateurs », c’est à dire les Espagnols incorporés dans la flotte aérienne de l’armée républicaine, personnel volant et techniciens au sol,
     - les « Internationaux » qui partiront de manière définitive, en mai 1940 et, enfin,
     - les « Espagnols » moins bien définis.

Jusqu’au 1er septembre 1939, 9823 Gursiens vont quitter le camp. Contrairement à ce que l’on pouvait croire jusqu’à lors, le rapatriement est la forme de sortie la plus fréquente. Toutefois, le nombre des rapatriements va décroître, passant de 93,10% des départs en mai 1939 à 47,20% en août. Ce fléchissement des rapatriements inquiète la préfecture qui, en juillet, a organisé une consultation au caractère impératif ; le choix est simple, c’est le rapatriement ou l’engagement dans la Légion étrangère. Opération d’intimidation peu productive puisque sur 11.814 réfugiés convoqués, seuls, 473 acceptent le rapatriement, une dizaine d’unités signe et s’engage dans la légion.

Par décret-loi du 12 avril 1939, le gouvernement français définit les conditions d’utilisation des républicains espagnols et met en place des unités para-militaires, placée sous le contrôle de l’armée : tout réfugié politique de sexe masculin et âgé de 20 à 48 ans doit fournir des « prestations » à l’armée s’il ne contracte pas d’engagement militaire. Or, cette dernière solution soulève quelques difficultés. En effet, nombre d’internés sont surpris d’apprendre que, s’ils s’engagent, ils ne seront enrôlés ni dans les formations régulières de l’armée française, ni même dans la Légion étrangère mais dans des « bataillons de marche », constitués pour la durée de la guerre et dont le siège se trouve en Afrique du Nord, loin des combats. Par contre, tout le monde sait que les travaux effectués par les CTE, non armées, s’exécutent sous le feu de l’artillerie allemande.

Parallèlement, le placement dans les entreprises qui commence en mai 1939 va progresser jusqu’en août. Les chefs d’entreprise vont puiser dans cette réserve de travailleurs potentiels ; il en est ainsi de l’usine d’aviation Laprade d’Arudy. Hors les ouvriers spécialisés, le camp fournit encore, à peu de frais, d’excellents bûcherons. Le 25 mai, le ministre du Travail prévoit la mise à disposition d’internés espagnols pour des travaux agricoles. L’office départemental de placement répondra aux demandes éventuelles. Les employeurs font eux-mêmes leur sélection.

" Les hommes étaient soumis aux mêmes procédés que les animaux dans les marchés à bestiaux. On palpait leurs muscles, on leur faisait ouvrir la bouche, etc… Ces pratiques, sans aucun respect pour la dignité humaine, engendrèrent des protestations de la part des réfugiés et un refus des offres d’emploi. »

Toutefois, les placements dans l’agriculture sont largement acceptés. Ils sont moins nombreux dans l’industrie (245 en tout, principalement des usines d’aviation comme les établissements Laprade à Arudy et Dewoitine à Toulouse).

Le 3 septembre , à 17 heures, la France déclare la guerre à l’Allemagne. A l’automne 1939 le gouvernement français vient de militariser les unités de républicains espagnols. Les placements dans l’agriculture vont s’effondrer. Par contre, la mise en place dans l’industrie va s’accélérer. Une étude datée du 27 septembre fait apparaître, sur un contingent de 1005 ouvriers recrutés, la répartition suivante :
     - 503, aux constructions aéronautiques du Midi, à Toulouse,
     - 200 aux établissements Laprade d’Arudy,
     - 169 aux usines Bréguet-Latécoère de Bayonne et de Toulouse, les autres à Paris (Gnome-et-Rhône, Messier), Pau (Constructions mécaniques du Béarn) et à la Poudrerie de Saint-Médard en Jalles, près de Bordeaux.

Le 17 octobre 1939, le Ministère de la Guerre et de la Défense nationale édicte une circulaire organisant les Compagnies de travailleurs étrangers prestataires dans le but de « substituer aux Français mobilisés (…) les travailleurs espagnols résidant sur le territoire national. ».

Dans les neuf mois suivant cette décision, une trentaine d’unités seront organisées et envoyées aux quatre coins du pays. Leur affectation pourra varier, elles iront soit dans les arsenaux et les poudreries travaillant directement pour la Défense nationale, soit dans la construction de centrales hydro-électriques, ou, encore, directement vers le front pour assurer l’entretien des ouvrages fortifiés de la ligne Maginot. Au 1er mai 1940, on comptera 226 CTE, de 250 hommes chacune, commandées par un officier de réserve français auquel est joint un capitaine espagnol. Elles sont théoriquement autonomes, alors que, réellement, elles se trouvent placées sous la surveillance de la gendarmerie.

En avril 1940, il ne reste plus que 6.000 Espagnols internés au camp de Gurs.  La débâcle étant survenue, le sort des réfugiés espagnols va s’ouvrir sur quatre possibilités :

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